Ecorché
Je sens le vent qui souffle et nous éloigne.
Je t’appelle, mais tu n’entends pas, tu ne m’entends plus.
Comment nous retrouvons-nous sur deux planètes aux orbites qui peinent à se croiser, alors que nous pensions un temps
chacun orbiter autour de l’autre ?
Mes repères perdus, j’erre, parfois trop fatigué pour apercevoir un changement, parfois, comme ce soir, le cœur à vif de
cette proximité qui peine à retrouver la fraîcheur d’antan.
Est-ce que je te fuis, est-ce que je te chasse, ou encore suis-je simplement incapable de te suivre ?
Une de tes grandes craintes est d’étouffer dans une cage trop petite pour toi, ailes atrophiées de trop peu servir.
Perdre ta capacité d’envol, d’élan; ta soif insatiable de nouveauté, de vie…
Cette crainte qui t’habite me dévore.
Je me blesse les mains aux barreaux des cages en essayant de les arracher.
Je les mords avec toute l’énergie dont je suis capable, tant et si bien que des éclats de métal me restent coincés dans
la gorge.
Mais comme certaines de ces cages, je les ai bâties de mes mains, c’est bien la moindre des choses que je cherche à t’en
libérer, non ?
Mais voilà que tu t’envoles, que tu renoues avec le ciel et la cîme des arbres, le chant des oiseaux et la musique du
soleil dans tes cheveux…
C’est à la fois beau à voir et déchirant.
Beau, parce que c’est pour ça que tu es faite, là que tu rayonnes.
Déchirant, parce que moi, je reste là, cloué au sol, et qu’il ne me reste plus qu’à attendre patiemment que tu veuilles
bien te poser quelques instants prendre ton souffle, à espérer que ce sera près de moi et à t’écouter alors me partager
tes aventures dans ces lointaines contrées.
Mais quelle intérêt peut donc trouver l’aigle, royal et majestueux, à ce singe maladroit, certes savant, mais dont les horizons sont si limités ?